Écrit par Marie Auriac

« Basile : Être entrepreneur social, c’est travailler pour une société plus inclusive. »

En 2019, ils étaient 132 614 réfugiés à demander l’asile en France, avec dans leurs bagages leur histoire personnelle, professionnelle mais aussi une vie à réinventer. Pour leur venir en aide, Bruno, Maxime et Basile ont fondé l’association Light Towards Future qui accompagne les personnes exilées en France dans la construction de leur projet d’avenir. Rencontre avec trois amis qui font briller la lumière au bout de l’exil.


Comment vos chemins se sont-ils croisés ?

Bruno : J’ai intégré le Bachelor entrepreneuriat de l’INSEEC. J’entendais beaucoup parler de business mais tout cela manquait de sens… Alors en 2018, je suis parti donner un coup de main sur l’île de Lesvos pendant 6 mois. J’accueillais les bateaux de migrants qui arrivaient de Turquie puis j’ai rejoint un tiers-lieu qui leur assurait un soutien moral et administratif. C’est de cette expérience qu’est née LTF. À mon retour en France, j’ai postulé à l’ESI Business School, une école qui allie business et impact. C’est là qu’on s’est rencontrés avec Basile et Maxime.

Basile : À cette époque, j’étais en stage chez Humando Insertion : j’avais déjà un pied dans le monde l’insertion de personnes réfugiées. Le récit de Bruno m’a tout de suite motivé.

Maxime : Quand Bruno nous a présenté le projet, je n’avais jamais participé à une expérience associative, mais le saut dans l’aventure entrepreneuriale m’a donné l’envie de m’engager. Un an après la création de LTF, j’ai décidé de partir sur l’île de Samos en tant qu’interprète dans un hôpital qui accueillait des réfugiés. Cela m’a permis de mieux comprendre leur quotidien et a renforcé mes convictions. Quand on va sur le terrain, on comprend mieux ce pourquoi on s’engage !

Vous avez choisi de travailler avec des personnes exilées. Pourquoi ce public vous touche t-il particulièrement ?

Bruno : Lors de mon voyage à Lesvos en juillet 2018, j’ai rencontré Jawad, un réfugié Afghan. Il a été d’une extrême gentillesse avec moi, m’a offert l’hospitalité. Deux mois plus tard, il m’appelait en me disant “Je suis à Paris. Qu’est-ce que je fais maintenant ?”. Il avait besoin d’aide pour être accompagné dans ses démarches. C’est là qu’on a découvert le parcours des demandeurs d’asile en France : une procédure complexe qui dure en moyenne un an mais peut aller jusqu’à 24 mois. Cette longue période doit être mise à profit !

Maxime : Quand elles entrent dans la procédure, les personnes en demande d’asile sont en général prises en charge par des structures d’accueil qui leur proposent un parcours d’accompagnement personnalisé (soutien administratif, activités…). Elles reçoivent aussi l’aide d’associations qui leur trouvent un hébergement d’urgence ou leur distribuent de la nourriture. Au-delà de ces besoins primaires, nous avons constaté que les demandeurs d’asile ont une réelle envie d’acquérir des compétences et de construire un projet qui ait du sens pour eux, qu’il soit professionnel ou non. Problème : ils ne connaissent ni les codes, ni les structures. 

Basile : Chez LTF, on travaille avec les centres d’accueil pour améliorer ce parcours personnalisé et on aide les réfugiés à concrétiser leur projet. On veut être prescripteur pour des entreprises d’insertion. En résumé, on prépare le terrain de l’insertion.

Accompagnement et réfugiés : un parcours sans encombre ?

Bruno : La barrière de la langue nous pose souvent problème. Beaucoup de personnes exilées ne sont pas francophones et certaines ne parlent pas anglais, ce qui complique le dialogue. Les contraintes administratives et juridiques doivent aussi être prises en compte.

Basile : On a été formés sur l’accompagnement social et l’écoute active, deux compétences essentielles quand on travaille avec un public en situation d’exclusion. À notre tour, on a formé des bénévoles. Les personnes réfugiées ont d’énormes difficultés, et pour certaines des enfants à charge. Elles ont donc besoin d’un accompagnement spécifique.

Qu’est-ce que le programme RVE vous a apporté ?

Maxime : À notre arrivée, on se demandait comment développer notre réseau de bénévoles et structurer leur parcours. Sur ce point, l’accompagnement de makesense nous à été précieux. Les ateliers d’Activ’Action nous ont également apporté une expertise dans la création et la mise en place de nos ateliers. Aujourd’hui, on a une stratégie de développement solide et nos ateliers se professionnalisent.

Bruno : L’accompagnement nous a aussi beaucoup appris sur la construction du modèle économique d’une association et nous a donné une visibilité sur les sources de financement. Aujourd’hui, on sait comment pérenniser nos actions. makesense met également à notre disposition beaucoup d’outils et de méthodologies. On bénéficie d’un suivi pertinent et surtout personnalisé. Loan, la co-responsable du programme, a une réelle expertise sur les réfugiés : elle connaît très bien l’écosystème dans lequel on évolue, ce qui nous est très utile.

Basile : Ce que je trouve très précieux aussi, c’est la dynamique de groupe qui s’est faite avec les autres projets de la promo. Ces rencontres nous nourrissent énormément et nous ont permis de créer un vrai réseau. Par exemple, on est en lien avec Les Cuistots Migrateurs et Le Café Gagnant pour qu’ils accueillent nos bénéficiaires !

Comment voyez-vous l’avenir avec LTF ?

Maxime : Ce qui nous rendra fiers, c’est de contribuer directement à l’insertion des personnes, non seulement professionnelle mais aussi dans la société en général. On veut participer à leur développement personnel, à leur autonomie, à leur épanouissement. Mais surtout, on veut mettre la personne dans une dynamique positive.

Bruno : Notre objectif principal est que la société d’accueil participe pleinement et qualitativement à l’intégration des personnes exilées. Les personnes exilées doivent pouvoir trouver refuge dans une société bienveillante, qui les aide à se reconstruire. On sera gagnants s’ils repartent avec quelque chose qui va servir leur projet.

Selon vous, qu’est-ce que l’entrepreneuriat social doit amener à la société ?

Bruno : Au vue du nombre de problématiques sociales et environnementales qu’il reste à traiter, l’entrepreneuriat social a pleinement sa place dans notre société. Bien sûr, il ne faut pas perdre de vue l’impact économique, mais la finalité doit devenir l’impact sociétal. D’un point de vue plus personnel, l’entrepreneuriat social répond à une quête de sens nécessaire. Avec Maxime et Basile, on sait pourquoi on a créé LTF, on a des valeurs communes et on va tous dans le même sens.

Basile : Pour moi, l’entrepreneuriat social c’est apporter un accompagnement social à nos bénéficiaires dans le but de servir l’égalité des chances. On donne aux personnes les moyens d’accéder à l’emploi. Finalement, être entrepreneur social c’est travailler pour une société plus inclusive.

Maxime : La force de l’entrepreneuriat social, c’est d’utiliser les outils de l’entrepreneuriat classique au service d’un impact positif sur la société. Dans le secteur associatif, on remarque une vraie tendance à la solidarité et la coopération entre les différents acteurs, ce qui renforce leur capacité à se développer. Les structures se parlent, collaborent, s’entraident.

Light Towards Future recrute des bénévoles ! Infos et candidature ici.